Appellation et identité disciplinaire : EPS ou EPS ?

Appellation et identité disciplinaire : EPS ou EPS ?

 Appellation et identité disciplinaire : EPS ou EPS ?
Y-a-il vraiment une différence entre les deux expressions : ¨éducation physique et sportive¨ et ¨éducation physique et sport¨ ? Certainement non pas de point de vue syntaxique, mais de point de vue sémantique.

Seules les IO 1967 et les OP 1991 stipulent qu’il s’agit bien de la discipline ¨ éducation physique et sport¨, les autres textes la nomment ¨éducation physique et sportive¨. S’agit-il des appellations intentionnées et délibérées ou juste de fautes de frappe?!
Sachant bien que les IO  qui régissent l’enseignement de la discipline au Maroc, et ce jusqu’aux années 90, ne sont qu’un pur reflet des IO françaises de l’époque avec un décalage temporel de quelques années, nous pensons donc qu’il serait raisonnable d’examiner à priori la différence entre les deux appellations dans leur contexte de parution sans pour autant négliger d’éventuelles influences internes.
Certes, plusieurs concepteurs marocains ont participé à l’élaboration de ces textes (Bachri (IO 64), Bencherki, Fares, Dakine (IO 77) mais en revanche, l’histoire de la discipline n’a jamais montré qu’il y avait des prétendus ¨guerre de méthodes¨ ou combat de ¨courants pédagogiques¨ pouvant déboucher sur telle ou telle appellation!!
Avant l’intégration du sport dans la matrice disciplinaire, la matière était nommée EDUCATION  PHYSIQUE tout simplement. Ce sont les courants scientifiques et médicaux de l’époque qui prônaient la matière et qui imposaient leurs points de vue par voie de conséquence. Le médecin  P. Seurin plaidait dès 1949 pour une ¨éducation physique méthodique¨. J. Le Boulch (un autre médecin), précurseur de la psycocinétique, défendait  de sa part une ¨éducation par le mouvement¨(1966). Ce mouvement, qu’il soit mécanique (P. Tissié), physiologique (G. Démeny) ou naturel (G. Hébert) était le seul ¨objet d’enseignement¨ et le seul moyen d’éducation sous ses deux formes : gymnastique construite et gymnastique fonctionnelle.
Le sport ne peut intégrer la séance d’EP  puisqu’il échauffe les esprits et pousse les individus dans des efforts dangereux pour la santé (selon ces auteurs). EP et sport semblent alors contradictoires et à visées antagonistes.
Dans l’autre camp, l’arrivée du sport - devenu un fait social et culturel inévitable - a sollicité plusieurs théoriciens qui n’ont pas fait l’économie de jeter les bases d’une ¨méthode sportive¨ à l’instar de P. De Coubertin durant les années 20. M. Baquet (1942), de sa part, considérait le sport comme moyen d’une véritable ¨éducation sportive¨, J. Teissié (1953) comme une activité adaptative et maîtrisante et R. Mérand (1967) comme un vecteur de socialisation.
Le sport intégra l’école donc sous forme d’une ¨initiation sportive¨ au sein d’une EPS ¨éclectique¨ (mélange de méthodes) qui ne peut concilier deux entités distinctes : l’EP et le sport. C’est de l’EDUCATION  PHYSIQUE  ET SPORT qu’il s’agit.
Néanmoins, le sport ne tarde pas à faire preuve de ses vertus. Il véhicule les valeurs de concurrence, de rendement et de dépassement de soi comme il est vecteur d’un ensemble de techniques nouvelles (techniques sportives) qui sont le reflet d’une culture sociétale en expansion. Il  va de soi alors qu’il soit un moyen d’éducation et qu’il se situera naturellement dans le prolongement d’une éducation physique de base (J. Ulmann (1977) ¨de la gymnastique au sport moderne¨). C’est ainsi qu’une relation de finalité, de complémentarité et d’homogénéité fût installée : EDUCATION  PYSIQUE  ET  SPORTIVE; et eut perduré jusqu’à nos jours.
Si ce survol historique peut  justifier les appellations accordées à l’EPS dans le contexte marocain au fil de son histoire, pourquoi alors les OP 1991 l’ont nommé ¨éducation physique et sport¨? Sachant bien que celles d’avant (71 et 77) et celles d’après (2000 et 2007) l’ont bien désigné en tant qu’¨éducation physique et sportive¨ ??
Outre plus, l’avènement de la didactique, de la taxonomie des objectifs pédagogiques et de la PPO dans ces OP 1991 ne pouvait qu’assurer une distanciation assez marquée du sport par rapport à l’EPS (les APS) et on n’aurait pas vraiment besoin de consacrer une telle appellation pour séparer EP et sport une seconde fois comme dans les IO 1964 !!
Nous croyons fortement que le souci du  législateur était bien de marquer, de manière explicite, la fin d’une époque où le sport se confondait avec la discipline (années 70 et 80) et qu’il s’agit désormais d’une matière scolaire qui dispense ses propres contenus d’enseignement tout comme les autres matières et qui ne se confond plus avec ses propres moyens.
En définitive, nous pouvons dire que l’appellation de la discipline constitue une facette - parmi d’autres - de son ¨ IDENTITE¨  propre. Se situant à l’interface des pratiques sociales et du système scolaire, l’EPS serait toujours appelée à négocier un rapport de conformité et un autre de différenciation vis-à-vis de ces deux entités et à montrer combien son processus identitaire est complexe, dynamique, inachevé et sans cesse reproblématisé (J.P Clément 1993).
Les dernières OP disciplinaires (2007) ont duré plus que toutes leurs antécédentes (13 ans !). Avec un gigantisme institutionnel, pédagogique et médiatique du sport scolaire (institutions, ressources budgétaires, textes, nombre de championnats, médiatisation..) au détriment d’une EPS qui perd la force, le terrain et bien évidement l’identité (une personne qui n’a jamais pratiqué l’EPS durant toute sa vie scolaire peut à nos jours devenir enseignant d’EPS !, médiocrité de la formation, précarité des conditions de pratique, inadaptabilité des textes..), ne pensez-vous pas que l’appellation de notre discipline sera SSEP (sport scolaire et éducation physique) dans un futur proche ??

Mr. CHHITI Rédouane (Agregé d'eps et inspecteur pédagogique)
AREF : Fès-Meknès
Direction provinciale : Meknès
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